L'objectif de mon article sur la dépendance des start-ups early stage au paid marketing est d'inviter les équipes fondatrices mais aussi les investisseurs (et en particulier VC) à avoir une vision plus globale de l'acquisition d'utilisateurs ainsi que de l'adéquation entre marketing et produit.
À une période où les fonds sont plus regardant sur la viabilité financière d'une start-up, je pense qu'il est important de mettre en avant le concept de "growth engine" afin d'adopter une approche plus équilibrée de la croissance considérant à la fois rentabilité et durabilité.
L'article est rédigé comme un conseil pour les fondateurs de startups et un avertissement aux investisseurs qui peuvent être acteurs en promouvant une stratégie de croissance plus holistique et financièrement responsable sans pour autant sacrifier nos ambitions et notre croissance.
Quant au ton de l'article, certains pourront lui reprocher un manque de formalisme. Voyez-le plutôt comme une conversation informelle que nous aurions dans un café ou au détour d'une rencontre à une conférence.
Mon objectif n'est pas de vous dire quoi faire mais de vous partager ma perception de mes 10 dernières années dans l'écosystème et vous inviter à repenser votre croissance pour éviter un éventuel échec.
Pourquoi écrire un article qui va à l'encontre du paid marketing ?
“Non mais attends Quentin, la publicité c’est le nerf de la guerre pour partager ton message, ta proposition de valeur, et aller chercher tes clients !”
Non.
En fait, les choses sont un peu plus complexes que ça.
Il arrive souvent que j’échange avec des fondateurs de start-ups, ou leur CMO / head of growth, voire leurs product-marketing dans le cadre de mon travail.
Bien souvent, sur des start-ups ayant réalisées une série A voire une série B, ils me confieront à demi-mot presqu’honteux « nous avons un CAC trop haut » (qui peut parfois se cacher derrière « notre croissance stagne »).
Rajoutons à cela que nous sommes actuellement dans une période que la French tech qualifierait de « morose » mais que je préfèrerai qualifier de « rationalisation ».
Actuellement, on observe effectivement que les fonds d’investissements (les fameux VCs) deviennent plus exigeants dans l’octroi de financement. Et un des concepts qui revient le plus souvent lors des roadshows pour des start-ups post-amorçage (post-seed donc), c’est celui de la « rentabilité » (ou « profitabilité »).
En bref, les VCs veulent voir des start-ups saines qui dépensent de manière rationnelle et ne se reposent pas uniquement sur une succession de levées de fonds.
Et on ne va pas se mentir, ce n’est pas un souhait irrationnel de leur part.
Alors, les fonds ne souhaitent pas forcément qu’une start-up soit rentable après 2 ans, il y a tout un tas de paramètre à prendre en compte tels que le secteur, le business model, la volonté d’internationalisation, les ambitions du board, etc. Néanmoins, les investisseurs souhaitent ressentir que les fondateurs en face d’eux ont bien en tête qu’à un moment c’est une histoire de « P&L » (compte de résultats).
Mais qu'est-ce que cela veut dire ?
Ça veut dire qu’il faut que je mette d’un côté mes revenus et de l’autre mes charges et qu’à un horizon pas si lointain les revenus s’approchent (voire dépassent) les charges. Et dans mes charges qu’est-ce que je trouve :
- Les bureaux (exit les WeWork à 900€ le poste svp) ;
- Les ressources humaines ;
- Les dépenses marketing.
Je simplifie grandement bien évidemment.
Donc pour arriver à la rentabilité, soit vous réduisez toutes vos charges, soit vous augmentez vos parts de marché.
Mais pour gagner des parts de marché, il faut investir en sales et/ou en marketing (je fais ici l’hypothèse que votre produit est bon et a démontré son Product-Market Fit (PMF), ce qui est généralement le cas sur une start-up en serie A et plus).
Donc qu’est-ce qu’on souhaiterait faire dans ce cas-là ? Augmenter le budget d’ads. Plus de budgets, plus de reach, plus de prospects, plus de clients.
Mais en paid marketing, plus vous dépensez, moins vous gagnez. En effet, les algorithmes des plateformes publicitaires sont quand même bien faits, et vous permettent souvent – à budget limité – de toucher l’audience qu’est la plus mature pour acheter votre produit ou service.
Donc, plus votre budget augmente, plus l’audience que vous touchez sera large et donc cold. Et mécaniquement, votre taux de conversion baisse et votre CAC augmente.
Le drame des start-ups dépendantes au paid marketing
Donc vous ne pouvez pas dépenser plus pour aller récupérer de nouveaux clients car ça ferait exploser le coût d’acquisition, ce que le board n’appréciera pas de voir au prochain meeting. Alors, que faites-vous ?
Dans ce cas, j’observe deux réponses :
- On panique et teste de nouveaux canaux d’acquisition tous azimuts ;
- On rationalise notre structure de coûts.
Le problème de tester de nouveaux canaux d’acquisition :
- On se met à tester des canaux irrationnels ;
- On bâcle tout car il faut des résultats rapidement ;
- On n’a souvent pas l’expertise en interne ;
- On n’a pas le temps de tester correctement.
(Les résultats d’un test quick and dirty sont-ils valides ? Je ferais sûrement un article sur le sujet).
Du coup, on rationalise notre structure de coûts, ce qui donne :
- Le gel des recrutements ;
- Voire des licenciements ou des « facilitations » de départ ;
- On commence à challenger pour le moindre abonnement d’outils qui pourrait faire gagner un temps précieux ;
- On cherche à sous-louer une partie de nos bureaux vides ;
- On réduit le télétravail car on panique donc on veut voir tout le monde sur le pont alors que ça ne changera sûrement rien à la productivité (voire l’aggravera) ;
- On réduit les budgets de paid marketing.
« On réduit les budgets de paid marketing ? » Évidemment. Après tout, c’est le paramètre le plus simple à modifier.
Mais du coup, si on dépense moins, on n’atteint pas les objectifs de croissance. Et donc les investisseurs ne sont pas contents.
Comprends-les, ils réalisent que si tu continues à dépenser tu ne seras jamais rentable et seras constamment soumis et vulnérable aux levées de fonds ; et si tu ne dépenses pas plus, ta valorisation stagne et comment veux-tu lever de nouveau avec une valo qui ne progresse pas ?
Donc tu observes une équipe de cofondateurs qui va essayer de chercher de la dette ou de nouveaux investisseurs pour mettre au pot.
Je te le donne en mille, souvent, ça ne finit pas bien pour la start-up. Au mieux elle se fera racheter à petit prix bien en-deçà de la valorisation souhaitée, au pire c’est la fermeture avec licenciement économique et liquidation judiciaire.
Mais qu’est-ce qui a fait que la start-up en soit arrivé à ce stade ?
Car après tout « c’est une start-up, c’est normal de burn »
La réponse tient en deux mots et c’est encore un anglicisme (désolé) : growth engine.
Mais comment une start-up devient dépendante aux paid marketing ?
Si on ne veut pas (re)faire cette erreur, il est important de comprendre comment on en arrive là.
Vous lancez une start-up ou vous rejoignez une early stage (pre-seed), et parce que vous y allez « by the book », vous décidez de démarrer avec un MVP que vous distribuerez simplement via une landing page.
Comme vous n’avez aucune marque établie (aberrant d’ailleurs cette fascination Française pour le branding au détriment de la performance), aucune communauté, aucun accès facilité à l’audience ciblée, vous allez sûrement décider de tester votre produit et vos propositions de value en utilisant des canaux de paid marketing.
Bah oui c’est facile. Vous posez 1000€ sur un mois, et cela vous permet de montrer votre proposition de valeurs voire d’acquérir de premiers clients / utilisateurs.
Et ne nous méprenons pas, c’est une bonne méthode. Il y en a d’autres bien évidemment, mais celle d’utiliser du paid marketing est tout à fait honorable pour tester son marché, son audience, et éprouver son MVP (Minimum Viable Product) ainsi que son MMP (Minimum Marketable Product, une version plus aboutie et propre de votre MVP).
Ainsi, vous gagnez progressivement vos premiers utilisateurs et clients. Vous pouvez maintenant partir en roadshow fiers (et vous avez raison) de vos chiffres et capables de démontrer un début de traction.
Vous charmez des business angels et des fonds d’amorçage qui ont déjà en tête la série A et la série B et une bonne valorisation.
6 mois plus tard, après avoir fini votre roadshow et avoir les signatures sur les letters of intention, vous vous apprêtez à recevoir des fonds.
Votre business plan a été influencé par votre roadshow car il fallait montrer une certaine agressivité et ambition aux potentiels investisseurs. Assez logiquement, vous avez fait le calcul suivant « Si aujourd’hui en dépensant 5 000€ par mois, je ramène 250 utilisateurs, alors en dépendant 50 000€ par mois, je ramène 2 500 utilisateurs » (je simplifie mais ça reste le rationnel qu’on retrouve le plus souvent).
Éventuellement, vous ventilez ce futur budget sur les canaux que vous connaissez déjà.
Au mieux, vous prévoyez un pourcentage de ce budget pour tester de nouveaux canaux.
Au pire, vous vous prenez à prévoir des spots télé ou dans le métro Parisien (ce qui sera une erreur fondamentale dans 95% des cas).
Ça y est, les fonds sont reçus, les recrutements démarrés voire finalisés car vous aviez anticipé, et le prochain board meeting est dans les prochaines semaines.
Il faudra donc montrer des chiffres.
De la croissance.
Évidemment, on ne veut pas voir de la stagnation alors que vous venez de récupérer quelques centaines de milliers d’euros voire quelques millions (qui ne sont pas dédiés qu’aux sales ou au marketing).
Donc pour montrer des chiffres qui augmentent, on augmente le budget en paid marketing. Mécaniquement le lead flow augmente même si ce n’est pas de manière linéaire. Mais ce n’est pas grave, on se fera retoquer par le board et on se justifiera par de la saisonnalité, par de nouveaux tests, par des concurrents qui soi-disant liquident leurs queues de budget. Bref, vous serez créatifs.
Vous recruterez éventuellement un CMO ou head of growth qui se pencheront sur l’optimisation de canaux de paid marketing existant. Mais jamais vraiment avec la bonne approche d’optimisation.
Puis ils recruteront une agence externe pour tester des canaux radicalement différents tels que de l’outbound marketing mais qui ne correspondra certainement pas à votre audience (posez-vous la question du momentum).
Bref, on court après de multiples lièvres en même temps sans se donner la possibilité de se concentrer sur un (le fameux « focus ») pour l’attraper.
Malgré une payback period qui augmente (la payback period étant le temps nécessaire pour qu’un client vous ramène de l’argent plutôt qu’il vous en coûte. Ce n’est pas une métrique pertinente pour tous les secteurs), vous parvenez à faire une nouvelle levée de fonds avec pour objectif l’internationalisation.
Ainsi, les métriques de CAC sur le marché domestique sont oubliées.
Bref, je vais m’arrêter là dans l’histoire, vous avez mon point : parce que vous avez des business plans ambitieux, des investisseurs qui veulent voir de la croissance, et qu’il paraît antinomique de tolérer une quelconque stagnation, vous refuserez de prendre quelques semaines pour déconstruire votre modèle de croissance et bâtir les fondations d’un véritable growth engine.
Et vous refuserez de recruter quelqu’un qui vous dirait « pendant 3 mois, on fait de la discovery, on construit la bonne stack d’acquisition, mais on ne fait pas de croissance ».
Mais, ne peut-on pas faire les deux à la fois ? Attiser sa croissance via du paid tout en construisant son growth engine ?
Non.
En fait, sur le papier oui.
En réalité non.
Pourquoi ?
Car nous sommes humains.
Les contraintes de performance / d’objectifs qui nous sont imposées par le business plan et par les investisseurs, mais surtout par nous-mêmes les cofondateurs font que nous n’aurons pas l’indulgence ou la patience nécessaire pour tolérer que des ressources travaillent sur un growth engine (ce qui prend du temps à construire) pendant que d'autres génèrent la majeure partie du lead flow de la start-up.
C’est humain et c’est l’opposition classique que l’on retrouve dans de nombreuses situations aussi bien persos que professionnelles : short-term profit versus long-term benefit.
Qu’est-ce que le growth engine ?
Ce n’est pas un article dédié au growth engine, mais pour faciliter la compréhension, voici une courte explication :
En fait, le growth engine est une espèce de cercle vertueux qui, en termes d’acquisition, vous permet de :
- Modérer votre CAC ;
- Bénéficier d’une certaine prédictibilité ;
- Réduire votre dépendance à un ou deux canaux d’acquisition.
La nature de votre growth engine va dépendre de nombreuses choses telles que :
- Votre secteur d’activité ;
- Votre audience ;
- Votre produit.
Quand on parle de growth engine, nos interlocuteurs ont en tête l'exemple de Dropbox et de sa croissance exponentielle suite à la création de son programme de parrainage (referral dans le funnel AARRR). Néanmoins, il faut comprendre comment Dropbox en est arrivé à identifier ce levier de croissance.
En effet, le growth engine n'est pas un hack ou une suite de tactiques. Un growth engine n'existe que grâce à l'équipe multi disciplinaire qui le compose. Cette équipe doit partager une compréhension transverse combinant produit, marketing, utilisateurs, et elle doit avoir les compétences et ressources afin d'expérimenter jusqu'à obtenir une croissance durable, ainsi que le "mandat" de la part des fondateurs.
Donc le growth engine n'a rien de mécanique mais est organique et dépend simplement des humains qui la composent et du mandat que l'organisation lui attribue (vous le voyez le sujet de culture montrer le bout de son nez ?). Ce qui remet en question tous les pseudo-influenceurs qui distribuent les "Top 100 tactiques pour tripler son chiffre d'affaires" et qui n'ont surtout pas compris de la façon dont fonctionne une organisation.
Comment éviter l’addiction au paid marketing des start-ups ?
En fait, il faut changer la manière dont on monte une start-up et conçoit un produit.
Beaucoup vont d’abord se concentrer sur la conception d’un produit qui répond à une audience et vont de fait négliger la « distribution ».
De mon point de vue, il faut découper un produit en seulement 2 blocs :
- La conception, de la discovery à la réalisation en passant par le design ;
- La distribution.
Vous pouvez concevoir la meilleure solution du monde, si personne n’est au courant, c’est inutile.
Et cette distribution repose partiellement sur le growth engine.
En réalité, il est toujours plus simple de monétiser une audience ou une communauté déjà "acquise", plutôt que de vendre un produit.
Si vous avez déjà cette audience ou que vous avez une expertise prouvée de votre capacité à l’attirer, vous avez fait 60% du chemin.
Concrètement, cette vision des choses induit des changements de comportement.
Tout d’abord, côté investisseurs et VC :
1. Il faut s’assurer que les start-ups dans lesquelles nous investissons ne sont pas dépendantes uniquement d’un ou deux canaux payants.
2. Il faut conserver cette approche par la rationalité et la rentabilité sans pour autant asphyxier de jeunes entreprises trop tôt. Mais au moins s’assurer que les cofondateurs l’ont en tête.
3. La course à la croissance c’est bien, mais il faut accepter une période de buffer post-levée de fonds où la start-up se doit de poser les bases de son growth engine. Ou alors, une croissance moins agressive mais plus saine.
4. Une période de stagnation n’est pas un drame tant que l’équipe d’executive semble avoir mis en place le bon plan pour en sortir.
5. S’accorder, dès le début, sur la définition et le mode de calcul du CAC, de la LTV, bref, des unit economics qui font la vie d’une start-up.
Côté cofondateurs / growth executive
1. Comprendre que la « distribution » n’est pas que du ressort du marketing, mais c’est un sujet pour tous (même la tech).
2. Considérer la distribution dès les balbutiements de la start-up. Et si aucun cofondateur n’a un background « business », aller chercher une ressource externe telle qu'une agence de growth marketing / un mentor qui peut aider à définir les bases du growth engine.
3. Entretenir une relation saine avec vos investisseurs. Ne leur mentez pas, ne changez pas votre définition du CAC entretemps, ne prétextez pas des saisonnalités.
4. Attention aux recrutements de vos CMO / Head of Marketing / Head of Product. S’ils n’ont pas cette compréhension du double axe « conception » et « distribution », il y a peu de chances qu’ils soient les bons candidats pour construire un growth engine. Leur background est important aussi, celui qui aura 10 ans de carrière en paid ads fera du paid ads.
Conclusion
Tout d’abord, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Oui, une start-up peut scale jusqu’à sa revente en ne se reposant que sur du paid marketing. Uber par exemple, a nourri sa croissance avec du paid pendant 10 ans (mais pas que).
En fait, tout dépend de votre vision, de vos investisseurs, mais aussi de votre audience.
Si vous souhaitez vendre votre entreprise rapidement, le paid marketing peut être suffisant pour parvenir à aller de levées en levées jusqu’à être racheté (et encore, attention aux unit economics lors de la due diligence pour l’acquisition).
Si à un moment vous souhaitez que votre start-up puisse ne pas se reposer uniquement sur du paid et être rentable (ce qui d’ailleurs améliorera réellement sa valorisation), il faudra penser votre growth engine très tôt.
Ne nous leurrons pas, ce n’est pas facile d’avoir une équipe fondatrice qui a les compétences pour construire un growth engine. Ne croyez pas non plus que les personnes qui ont cette vision 360 courent les rues (et chez les investisseurs non plus).
En définitif, et comme souvent dans la vie d’une start-up, il y a un savant équilibre à trouver entre cette vision court-terme très axée croissance et une vision plus long terme axée volume mais rentabilité.
Questions fréquentes
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